Mon plombier m’explique ce matin que Saint Séraphin de Sarov
avait prédit la révolution et les persécutions religieuses, mais aussi un grand
renouveau spirituel : «Saint Séraphin de Sarov était tout amour, c’est
pourquoi tout le monde venait le voir, et cet amour s’étend encore jusqu’à
nous. Il appelait tous ceux qu’il rencontrait « ma joie ». Il a
prédit que la Russie renaîtrait de ses cendres et resplendirait, et c’est cela
qui va se passer. Vous avez vraiment bien fait de venir ici, les Français conscients
viennent chez nous, les autres restent là où l’on détruit les églises et où l’on
blasphème. Et nous, nous les reconstruisons toutes. vous n'imaginez pas le nombre d'églises qui ont été détruites, et l'Eglise n'avait pas l'argent pour les reconstruire, mais cet argent, nous l'avons trouvé.»
Il m'a parlé des expressions particulières à la région: "Lorsque vous les connaîtrez, vous serez vraiment d'ici.
- Et vous, vous êtes d'ici?
- Complètement!"
Il enlève son bonnet enfoncé jusqu'aux yeux pour que je le voie mieux et sourit modestement: "Je suis le pur produit du mélange de tribus slaves et finno-ougriennes avec l'envahisseur mongol!"
Je suis allée ensuite faire des courses, j’avais besoin d’un
tournevis électrique. Je demande cela à la vendeuse qui me regarde les yeux
exorbités comme si je lui demandais un tapis volant : «VOUS voulez acheter
un tournevis électrique ?
- Oui, vous n’en avez pas ?
- Si, plein… voilà, c’est là… dit-elle en me montrant la
vitrine d’un air navré.
- Que voulez-vous, j’en ai assez de courir après les
bonshommes chaque fois que j’ai besoin de faire un trou, soit ils n’ont pas le
temps, soit ils se font payer… »
Un gros artisan venu renouveler ses fournitures s’en mêle :
«Chez vous, c’est du bois ?
- Oui, tout est en bois.
- Alors prenez ce modèle, ça suffira amplement. »
Le même gros type obligeant m’aide à choisir le papier de
verre pour mes portes. Visiblement, la vendeuse a toujours eu auprès d’elle un
joyeux bricoleur prêt à la dépanner. Et moi pas.
J’aime la satisfaction évidente du mâle connaisseur qui se sent utile à la
pauvre vieille en détresse !
Au café français, une femme m’aborde, et se présente comme
artiste peintre. Elle s’appelle Olga. Juste au dessus du café français, il y a
une espèce de centre culturel, où l’on donne des cours de tout, et aussi de
peinture. Croûtes redoutables à foison. On ne décore plus sa maison de bêtes
fantastiques et de sirènes, on ne fait plus de beaux costumes, on ne peint plus
de coffres merveilleux, mais on aligne les croûtes. Comme chez nous. Tuer la
culture populaire n’ouvre pas aux gens l’accès à la culture distinguée des
musées.
la carte d'Olga |
Dans ce centre ont lieu parfois des concerts, je subodore qu’on
n’y chante pas sa tradition, mais qu’on y fait du mauvais académisme, c’est
quand même bien que cela existe, cela peut servir pour autre chose. Et j’ai
trouvé un monsieur qui fait des encadrements, mais je n’ai pratiquement rien à
encadrer, toutes mes aquarelles sont dans mon déménagement maudit, qui arrivera
quand j’aurai le visa de trois ans, qui s’obtient au bout d’au moins six mois d’attente,
si la guerre ne bloque pas tout cela jusqu’à l’apocalypse.