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samedi 2 décembre 2017

Valeurs russes...

S. Klioutchnikov à l'accordéon diatonique: né
dans le folklore...
Les événements m'apparaissent souvent comme les éléments d'un puzzle, un puzzle beaucoup trop grand et complexe pour que j'en vienne jamais à bout, mais quelque chose se dessine à mes yeux petit à petit, et le tableau est souvent transnational et transtemporel. Petit à petit, les choses prennent leur sens en se complétant, bien que l'ensemble garde son mystère.
Ainsi, voilà un article de l'excellent blog "Russiepolitics" qui me fait tiquer: Sobianine et les 15 millions de russes inutiles ou lorsque les politiques ne peuvent dépasser leurs complexes 
Sobianine est ce maire de Moscou qui mène une politique de "rénovation" implacable à ce qui peut subsister encore d'ancien et de poétique à Moscou. C'est un homme d'aujourd'hui, c'est-à-dire de nulle part, une de ces créatures hors-sol qui décident maintenant du destin des autres. Le voilà qui déclare que 15 millions de Russes sont inutiles. Lesquels? Ceux des campagnes, des villages, ceux qui empêchent les gens comme lui de transformer la terre entière en une usine high tech dans tous les domaines de la production humaine. En cela, il rejoint tout à fait les technocrates européens au service des lobbys et des oligarques internationaux. Et poursuit du reste, version capitaliste, l'oeuvre entreprise par les bolcheviques: disparition de la paysannerie, déracinement, prolétarisation, destruction du patrimoine, comme quoi l'une et l'autre idéologie ont bien la même origine.
"Nous avons dans les villages aujourd'hui une population d'environ 15 millions de personnes qui sont inutiles, qui pour la production agricole au regard des nouvelles technologies de production ne sont pas nécessaires. Ce sont soit des fonctionnaires, soit des travailleurs sociaux ou que sais-je encore."
Les gens lucides savent bien à présent que les "nouvelles technologies de production" ont fait la malheur de la terre entière et nous conduisent à une catastrophe dont seuls les progressistes les plus endurcis et les plus âgés ne discernent pas tous les signaux sinistres, et que pour avoir une petite chance de salut (bien qu'il soit probablement trop tard) l'humanité devrait s'employer à méditer les réflexions et les propositions des penseurs et des chercheurs de l'agroécologie et de la permaculture, et non seulement aider les paysans, ces quinze millions d'inutiles, à rester chez eux et à vivre de leur terre, mais même encourager les citadins à les rejoindre, au lieu de drainer toujours plus de gens vers la capitale, qui s'étend comme une tumeur monstrueuse, pour leur faire mener une vie d'esclaves appointés jusqu'au jour du désastre inévitable. Mais non, Sobianine appartient visiblement à la Caste. Il lui faut achever ces inutiles, faire de Moscou "une vraie ville capitaliste", et promouvoir l'agriculture ravageuse du profit.
En revanche, j'ai vu aussi plusieurs articles où Poutine se prononce pour une agriculture bio en Russie. Où il propose des terres à ceux qui veulent les cultiver, parfois gratuitement. Alors?
Parallèlement, et sans doute est-ce un pur hasard, le ministère de la Culture, comme je l'ai déjà dit, s'attaque au Centre National du Folklore, j'ai trouvé à ce sujet une vidéo qui explique les tenants et les aboutissants. Ce centre, fondé en 1989 par des étudiants enthousiastes, a recueilli des centaines de milliers d'enregistrements vidéos et audios du patrimoine immatériel de la tradition russe. Il s’attache, selon la vidéo, à déchiffrer "le code de l'âme russe", et c'est bien de cela qu'il s'agit. du jour au lendemain, ce Centre a été vidé de ses archives et ses collaborateurs invités à se mettre d'eux-mêmes au chômage. Des pétitions circulent, des actions sont organisées. Car c'est évidemment vexant pour des fonctionnaires qui ont perdu la leur depuis longtemps, l'âme russe existe, la tradition subsiste, et si d'énormes destructions ont eu lieu dans le patrimoine architectural, matériel de la Russie, son patrimoine immatériel a été moins touché que chez nous. Il y a là un petit foyer vivace, un feu qui ne demande qu'à prendre. Les cosaques qui ont reconstitué en partie leurs communautés et retrouvé leurs fonctions se réapproprient souvent leurs chants grâce aux ethnomusiciens tels que Skountsev et son Cercle Cosaque qui ont recueilli, enregistré, assimilé et chanté eux-mêmes ce qu'ils avaient reçu des derniers vieux qui en étaient dépositaires. Ce feu vivace est l'objet de la haine des libéraux, c'est là l'émanation de la sainte Russie qui s'obstine, et même de la Russie antérieure, païenne, c'est le souffle de la terre qui passe à travers le béton et le plastique, et vient nous émouvoir et nous rendre à nous-mêmes. Dans la ligne de Poutine, du retour aux valeurs russes, de la défense de l'identité russe, ce Centre devrait être l'objet d'une attention particulière, il devrait crouler sous les subventions, les ensembles devraient se produire dans toutes les villes et sur toutes les ondes, et du reste, l'Eglise, elle, a compris la valeur de tout cela et commence à s'en occuper. Mais le ministre ferme grossièrement le Centre. en revanche, peut-être va-t-il promouvoir toutes les contrefaçons de folklore que depuis l'époque soviétique on met en vitrine, avec danseurs acrobatiques et sourires mécaniques, la mécanique, c'est accessible aux fonctionnaires dévoués à la Caste, pas la spontanéité, la grâce et la poésie de l'art collectif authentique et ancestral.
Je tombe sur un autre article de RT, cette fois, au sujet de Poutine qui s'associe au centenaire de la restauration du Patriarcat orthodoxe en Russie: Vladimir Poutine a rappelé l'importance des valeurs traditionnelles en participant ce 1er décembre 2017 au synode des évêques du Patriarcat de Moscou, une première pour un président russe. «Nous observons dans de nombreux pays l'érosion des valeurs traditionnelles, ce qui mène à la dégradation de la société [...] L'indifférence et la perte des valeurs repères aboutissent au radicalisme, à la xénophobie et aux conflits religieux», a déclaré le chef d'Etat russe devant le patriarche Kyrill et quelque 350 responsables religieux réunis dans la cathédrale du Christ Sauveur à Moscou
Alors?
En France, les gens pensent que Poutine, qu'on l'injurie ou qu'on l'adule, est un dictateur, un dur, un tatoué qui fait ici la pluie et le beau temps. Or je vois toutes sortes de taupes libérales parmi ses fonctionnaires ou dans les médias, prendre le contre-pied de ce qu'il soutient avec une insolence dont ne seraient pas toujours capables des fonctionnaires de Bruxelles, avec une liberté dans la trahison et dans le mépris de la Russie qu'on ne se permettrait peut-être pas à l'ouest. 
Je n'ai pas de réponse à cette énigme. Seulement des suppositions. Et une certitude: il faut prier, prier beaucoup. Appeler tout le défilé des saints et des martyrs, et des petites gens d'autrefois à notre secours. Car la Russie est notre dernière arche. Et dans ses cales, les rats ne manquent pas...
Tout ce qui subsiste de la poésie minutieusement expulsée du monde contemporain par plusieurs générations de fourmis en costar est susceptible de faire comprendre au pitoyable résultat de leurs manipulations ce dont on l'a privé. C'est pourquoi du passé, il faut obligatoirement faire table rase, qu'on soit bolchevique ou banquier.
Transmission de la tradition: Olga Fédosseïevna Sergueïeva, interprète et conservatrice de chansons russes (région de Pskov) et son élève Olga Smolianinova. La vieille femme transmet à sa jeune visiteuse ce qu’elle a elle-même reçu de la génération précédente. Quand le lien se perd et que la chanson disparaît, c’est une perte que rien ne pourra compenser. En occident, nous chantons et interprétons de la musique médiévale reconstituée, d’après des notations, our nous ne saurons jamais comment à l’époque on chantait et jouait tout cela : les notes ne traduisent pas les nuances du chant populaire, elles le découpent en tranche. Le chant populaire, comme d’ailleurs le chant d’église byzantin, issu lui-même de la tradition grecque et juive, est fluide comme le vent et l’eau, et doit passer de l’un à l’autre, comme un liquide d’un récipient à l’autre, comme une flamme d’un cierge à l’autre. Il y a des chants sauvés, et il y a des chants irrémédiablement perdus. Des chants qui viennent du fin fond de nos origines et qu’on n’entend presque plus : ils sont bétonnés par la tohu-bohu sonore qui nous abrutit dès le ventre de notre mère, et fait nous des muets drogués de bruit, qui supportent la radio du voisin qui dégueule à tue-tête une musique insupportable, agressive et monotone, mais pas le chant de quelques amis regroupés ou l’instrument de musique dans l’appartement du dessus.
Pourquoi faut-il assassiner la tradition populaire ? Parce qu’elle nous unit, parce qu’elle nous recentre, parce qu’elle nous fait entrer dans un univers épique, féérique, dramatique, poétique qui nous fait passer au dessus de nous-mêmes et sublime nos destins. Le Moloch moderne n’a pas besoin de cela. C’est pourquoi le ministre libéral de la culture veut fermer ici le Centre National de Folklore. Pour que les Russes n’aient plus accès aux sources vives de leur âme, pour que meure l’entité Russie, comme meurt l’entité France.
a écouter:


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