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lundi 14 novembre 2016

Alla


Le petit chat noir commence à devenir insolent et agressif avec mes autres chats, je n’en sortirai jamais de ce cauchemar, ni des pisses qui vont avec. Kostia et Rouslan sont revenus s’occuper de mon chauffage, et devant mon incapacité à me débarrasser des intrus, se sont lancés, tout en examinant la chaudière et la tuyauterie, dans toutes sortes de considérations sur ce thème. « Laurence, me dit Kostia, peut-être devriez-vous ouvrir un refuge, c’est peut-être votre vocation, le bien qu’on fait à ces créatures, il compte aussi, tout le bien que nous aurons fait nous sera compté, peu importe à qui.
- Ils sont en Dieu, ils ont des sentiments, des émotions, renchérit Rouslan, et lorsqu’ils meurent, ils ne disparaissent pas, saint Théophane le Reclus disait qu’ils s’en allaient rejoindre l’âme collective du monde. Que tout esprit loue le Seigneur… »
Le chauffage s’est plus ou moins remis en route, mais il faudra quand même remonter les tuyaux de la cave dans la maison et corriger la hauteur de la cheminée d’évacuation.
Je suis allée à l’église à travers des rues couvertes de neige, nous avons quasiment un temps de mois de janvier, j’espère que nous n’aurons pas le mois de novembre en janvier. Le père Dmitri a été un peu moins prolixe que d’habitude. Je n’ai pas pu me défiler après l’office, pour retourner sur mon chantier, il me fallait absolument partager les agapes dominicales, les vieilles y comptaient bien. J’aurais peur de faire de la peine à tout le monde si j’allais ailleurs, et pourtant, si gentil que soit le père Dmitri, je sens que ce n’est pas la paroisse qu’il me faut. Comme me dit Kostia: "Je n'aime pas qu'on s'impose dans mon âme".
Echange téléphonique avec mon amie Alla, à Moscou. Du temps de mon petit chien Joulik, quand je travaillais au lycée, je l'avais rencontrée dans notre quartier où elle promenait son propre spitz, Faïtchik, toujours impeccablement toiletté, comme sa maîtresse, qui avait beaucoup plus que moi le profil d'une femme à chien de salon: une jolie blonde apprêtée, manucurée, tailleurs roses, fanfreluches. Bien que nous n'ayons vraiment pas grand chose en commun, notre amitié a survécu à la distance. Entretemps, Joulik et Faïtchik sont morts, à la grande douleur de leurs maîtresses respectives, et ont laissé la place à Yana et Doggie, tous deux "en solde", rebuts d'élevage, Yana, en raison d'une tache blanche sur le museau, et Doggie d'une luxation congénitale, qui se sont aimés ua premier regard!
Alla a quelque chose qui retient, elle est absolument désarmante de bonté. Quand je partageais son quartier, nous y voyions à l'oeuvre une affreuse vieille sorcière qui habitait son immeuble. Cette vieille avait été journaliste, député, et elle était d'une méchanceté incroyable, cherchant querelle à tout le monde, personne ne pouvait la blairer, nous non plus. Elle détestait les chiens et considérait son square collectif comme sa propriété privée. Elle se vantait auprès d'Alla d'avoir extorqué de l'argent, pendant la guerre, aux femmes et filles esseulées en leur promettant par ses prédictions le retour de leurs maris ou de leurs fiancés partis au front. Alla me disait qu'elle avait aimé sa fille, morte prématurément, mais tyrannisé sa petite-fille. Or à plus de 90 ans, cette épouvantable vieille était tombée récemment entre les mains de bandits qui essayaient de la spolier de son appartement, et comme elle avait fait le vide complet autour d'elle, il n'y avait personne pour la défendre, à part la blonde et rose Alla qui s'est lancée dans la bataille, au risque d'avoir de gros ennuis. La bataille gagnée, Alla et la petite-fille pas rancunière ont trouvé une maison de retraite décente pour placer le vieux monstre. "Alla, lui ai-je dit, et je le pense profondément, vous avez gagné votre paradis!"










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